dimanche 28 février 2016

Santé et bien-être à l’épreuve de la littérature

Salut de part et d'autre ? Santé et bien-être à l’épreuve de la littérature

Appel à communications

VIIIe Rendez-vous de la Critique
Faculté des Lettres de l’Université de Porto
Parc Biologique de Vila Nova de Gaia
03 et 04 octobre 2016

Dans sa valeur de simulacre de réalité, la littérature réfléchit, tel un miroir, comme pourrait le dire Stendhal, l’homme et son rapport au monde, à la vie, dans son évidence comme dans sa complexité. De ce fait, elle intéresse les autres domaines des sciences humaines et sociales dont relève, entre toutes, la médecine (Starobinski, 1963), sans oublier qu’à sa base hippocratique le soin était un art. Mais c’est parce qu’elle met en scène le langage, fondement historique et anthropologique de l’homme, que la littérature nous place au plus près de la réalité humaine dans ses aspects multiples et contradictoires, issus souvent d’interrelations subtiles entre le physique et le psychique, le personnel et collectif… Pour cette raison, comme l’observait bien Roland Barthes dans sa Leçon inaugurale au Collège de France, la littérature constitue une formidable res/source de connaissance, une máthesis : elle suscite et stimule la réflexion, invite au dialogue et au partage. C’est parce qu’elle « en sait long sur les hommes », pour reprendre le mot de Barthes, que la littérature se constitue aujourd’hui en « joker » pour les autres savoirs, et assume sa fonction éthique autant qu’esthétique dans le mouvement des « nouvelles humanités » de ce début de XXIe siècle. La médecine narrative, fondée sur les notions de récit et de narration, en constitue un exemple probant et une belle illustration de l’utilisation de méthodes et d’outils des études littéraires, le récit, en particulier, à la fois pour l’entretien médical, favorisant l’échange dialogique, et pour l’expression d’une expérience personnelle (de la part du soignant ou du patient), favorisant la réflexion. 
La maladie, on le sait, est par ailleurs l’un des thèmes privilégiés de la littérature, raison pour laquelle les oeuvres littéraires constituent un véritable corpus de connaissances scientifiques, autant que de formation médicale (Danou, 2007), révélant le sujet confronté à la pathologie physique ou psychique, à la souffrance, à l’institution hospitalière. Dans l’édition précédente du Rendez-vous de la Critique, nous nous sommes intéressés à la représentation des maladies dans la littérature, sous le prisme du rapport entre maux et mots(1). Qu’en est-il du rapport moins évident entre littérature et santé ? Selon l’Organisation Mondiale de la Santé, la santé : « est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité » (Constitution de l'O.M.S., 1985 [1946]). Et pour le célèbre chirurgien Leriche des années 1930, la santé serait « la vie dans le silence des organes ». La vie, certes, mais pas le vivre. Or, à l’évidence, l’expérience quotidienne démontre que ces définitions sont fausses, insuffisantes, ou utopiques ; la science ne peut pas fournir de définition de la santé. Celle-ci est un concept vulgaire (non trivial) mais accessible à tous. La dimension subjective de la santé permet de parler, avec Georges Canguilhem (1988), de vérité du corps à savoir que le vrai (verus) c’est ce qui semble donné comme apparent. 
La santé n’est donc certainement pas le contraire de la maladie. Il suffit pour s’en convaincre de relire les pages de Nietzsche sur « la grande santé » et l’articulation que le philosophe du Gai Savoir proposait entre maladie et santé, déjouant tout dualisme pour les envisager selon un processus dynamique, faisant converger des sentiments aussi disparates que ceux de plénitude et de douleur. Articulée à la volonté, la débordante santé appelle par réciprocité maladie, jusqu’à y puiser le principe d’une énergie, levier pour atteindre la connaissance et la maîtrise de soi. Ce propos de l’épilogue du Nietzsche contre Wagner – « seule la grande souffrance […] enseigne le grand soupçon […] nous rend plus profonds » retentit d’une posture que l’on retrouve chez maints écrivains grands malades – au XIXe et XXe siècle notamment –, à qui l’acte d’écrire a ouvert, sinon une guérison, du moins une conscience de leur propre puissance. Un passage célèbre du Temps retrouvé de Proust évoque le profit d’une maladie transmuée en potentiel de remémoration, et conquête sur le temps, ce « jouer avide » au dire de Baudelaire. Mallarmé trouvait au coeur d’une fatigue morale et spirituelle, le ressort d’un grand oeuvre et pouvait se dire « mort et ressuscité » et Pessoa faisait de la « douleur de sentir » le ressort de sa poétique du fingimento. Face à l’épreuve intime de son corps épuisé par le sida, Hervé Guibert souligne « c’est quand j’écris que je suis le plus vivant »… Et dans les grandes épreuves comme celles du deuil, Barthes note en août 1978, que son goût pour l’écriture lui donne un pouvoir apotropaïque de mise à distance, de conjuration ou « d’intégration ». C’est sans doute le point capital : si la souffrance est inexprimable, elle est « dicible » et ce dire produit une « certaine tolérance ». 
Si de tels exemples montrent combien la douleur peut jouer un rôle d’implosion créatrice, ils corroborent également une conception de santé et de bien-être comme coïncidence harmonieuse de contraires, à l’encontre de la notion de santé parfaite ou de normalité, déjà mises en question par un Canguilhem ou un Michel Foucault. 
À l’heure où les maladies graves deviennent de plus en plus « chroniques », à l’heure où l’avancée scientifique prome/u/t une longévité accrue, mais aussi de nouveaux questionnements éthiques (Hervé et al., 2007), à l’heure où le vécu de la santé dépasse le sentiment de « non maladie » pour croiser celui d’un ‘bien-être’ conscient des facteurs de risque, médicaux, sociaux et environnementaux, à l’heure, enfin, où les notions d’identité, de démocratie, de communauté, remettent en question la conception traditionnelle de l’être humain et de son lien au monde, que nous montre, que nous dit la littérature sur la santé ? Quelles voies et orientations suscite-t-elle ?

Ces deux journées d’études entendent offrir aux chercheurs de différentes disciplines une occasion de recherche, de réflexion et de débat sur ces différentes questions suivant des angles d’approche variés mais complémentaires, du point de vue critique et interdisciplinaire :
  • Représentations et pratiques de santé dans la littérature ;
  • Littérature et mise à l’épreuve de soi ;
  • Santé et bien-être par la littérature et/ou d’autres pratiques artistiques ;
  • Bénéfices épistémiques de la lecture littéraire ;
  • La médecine narrative dans les pratiques de santé ;
  • Récit, narration et recherche en éthique ;
  • Bien-être et nouveaux régimes de lecture ;
  • Art thérapie et maladies chroniques.

LANGUE DES COMMUNICATIONS :
Français et portugais

ENVOI DES PROPOSITIONS :
Merci d’envoyer le titre de votre proposition (individuelle ou panel), un résumé de 250 à 300 mots et une brève notice biographique avant le 01er mars 2016 à l’adresse :

CALENDRIER
1er mars 2016 : date limite pour l’envoi des propositions
1er avril 2016 : réponse du comité scientifique
1er juillet 2016 : programme prévisionnel
15 septembre 2016 : programme définitif

CONCEPTION ET ORGANISATION :
Maria de Jesus Cabral, Un. Lisboa
José Domingues de Almeida, Un. Porto
Maria de Fátima Outeirinho, Un. Porto

COMITE SCIENTIFIQUE
Maria de Jesus Cabral, Un. Lisboa
António Barbosa, Un. Lisboa
Maria João Brilhante, Un. Lisboa
Adelino Cardoso, Un. Nova de Lisboa
Rui Mota Cardoso. Un. Porto
Fabiana Carelli, Un. de São Paulo
Patrizia D’Andrea, Un. Paris 3
Gérard Danou, Un. Paris Diderot
José Domingues de Almeida, Un. Porto
Isabel Fernandes, Un. Lisboa
Karen Haddad, Un. Paris-Nanterre
Christian Hervé, Un. Paris-Descartes
Maria Hermínia Amado Laurel, Un. Aveiro
Céline Lefève, Un. Paris-Diderot
Marie-France Mamzer, Un. Paris-Descartes
Manuel Silvério Marques, Un. Lisboa
Nuno Miranda, Instituto Português de Oncologia de Lisboa
Pierre-Louis Patoine, Un. Paris 3
Margarida de Reffóios, Un. Nova de Lisboa
Maria João Reynaud, Un. Porto
Maria de Fátima Outeirinho, Un. Porto
Franc Schuerewegen, Un. Anvers
Paolo Tortonese, Un. Paris 3
Diana V. de Almeida, Un. Lisboa.

INSCRIPTION*: 100,00 €
*comprend les pauses-café et les deux déjeuners.
Les frais de déplacement et d’hébergement sont à la charge des intervenants
LIEN  .www.apef.org
Autres informations: Maria de Jesus Cabral – mariajesu@gmail.com

1 Deux ouvrages en sont issus: Maux écrits, mots vécus. Traitements littéraires de la maladie (Paris, Eds. Le Manuscrit, 2015) et Maux en mots. Traitements littéraires de la maladie (Porto, Biblioteca Digital da U. Porto, 2015 : http://ler.letras.up.pt/site/default.aspx?qry=id022id1458&sum=sim).

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