Un médecin des Lumières : Michel Darluc, naturaliste provençal
Alain Collomp
Presses universitaires de Rennes, 2011.Préface de Daniel Roche
Prix 2011 de la Société française
d'histoire de la médecine
En suivant le parcours et en analysant les publications de Michel Darluc, ce livre dessine le portrait d’un médecin provençal du XVIIIe siècle, auteur d’une monumentale Histoire naturelle de la Provence. Son ouvrage reflète bien les goûts de l’homme cultivé du siècle des Lumières : il ne traite pas seulement de botanique mais il accorde une place importante à l’homme, ses moeurs, ses pratiques agricoles, sa manière d’exploiter les mines, sa santé. Les nombreuses publications médicales de Michel Darluc insistent d’ailleurs sur l’influence du milieu sur la santé et elles révèlent des préoccupations hygiéniques et prophylactiques, comme la promotion de l’inoculation contre la variole.
Intervention d’Alain Collomp le 17 mars 2012, lors de la remise du Prix du meilleur livre de la SFHM :
En suivant le parcours biographique et en analysant les écrits de Michel Darluc, ce livre dessine le portrait d’un médecin provençal du XVIIIe siècle. Né à Grimaud, près de Saint-Tropez, en1717, dans une famille de modestes artisans, il fit ses humanités chez les Oratoriens de Marseille. Très jeune encore, comme secrétaire
d’un prince autrichien, il visita l’ensemble de l’Italie et une grande partie des états germaniques, à la découverte des curiosités naturelles. Il resta ensuite plusieurs années en Espagne, notamment à Barcelone où il suivit un enseignement de médecine pratique. Il continua sa formation de médecin à Aix-en-Provence, où il
bénéficia de l’enseignement de Joseph Lieutaud, le brillant anatomiste qui deviendra le premier médecin de Louis XVI. Ses degrés obtenus, il séjourna deux ans à Paris, suivant le célèbre cours de chimie de Rouelle. Il revint alors en Provence comme praticien de campagne dans la moyenne Provence, d’abord dans son village natal, Grimaud, ensuite dans un bourg plus important, Callian. Il fut nommé en 1770, sans concours du fait de son renom, professeur titulaire de la chaire de botanique de la faculté de médecine d’Aix. En plus de ses fonctions d’enseignant, notamment au sein du jardin botanique à l’usage des étudiants de médecine et de pharmacie, qu’il avait créé et développé à Aix, il resta toujours un thérapeute recherché aussi bien des pauvres de l’hôpital que des aristocrates de la capitale parlementaire.
Il a laissé à la postérité de nombreuses publications médicales. Elles comprennent d’abord une douzaine d’articles conséquents, parus entre 1755 et 1764 dans le principal organe français de presse médicale du XVIIIème siècle, Le Journal de Médecine. Les sujets abordés sont variés. Le premier est le traitement de la rage par le mercure, notamment après morsures de loup enragé pouvant toucher à la fois plus d’une dizaine de victimes. S’il ne fut pas l’inventeur du traitement de la rage par les frictions mercurielles, il en fut par ses publications le plus célèbre des propagateurs. Suivirent des observations de gangrènes, d’hydropisie du péritoine, de squirrhes invétérés qu’il tenta de traiter par la prise de belladone. Afin de persuader un patient, effrayé ou dubitatif, Darluc poussa le dévouement jusqu’à ingérer lui-même cette plante dangereuse, certes à doses prudentes, décrivant alors à son lecteur les symptômes atropiniques qu’il ressentit. Enfin, les articles les plus importants du Journal de Médecine rapportent les diverses épidémies qu’il fut amené à soigner dans les villages et les bourgs voisins de ses lieux d’exercice.
D’autres publications médicales plus tardives, notamment sous la forme d’un long poème en vers publié en 1773, ont aussi porté sur l’inoculation de la variole dont Darluc était un ardent adepte. Enfin, une fois nommé membre associé de la Société Royale de Médecine, en avril 1777, il adressa à cette jeune institution, comme
nombre de ses confrères, des observations météorologiques et épidémiologiques et ce qu’on appelait des constitutions médicales.
Si Michel Darluc acquit de son temps un certain renom par ses écrits médicaux, non seulement en Provence, mais à Paris et même à l’étranger, il serait pourtant tout-àfait oublié de nos jours s’il n’avait pas rédigé et publié une monumentale Histoire naturelle de la Provence, en trois tomes, dont seul le premier parut de son vivant, un an avant sa mort survenue en 1783, les deux autres dans les années suivantes. Les descriptions contenues dans les trois volumes reposent sur l’observation directe de l’ensemble du territoire provençal que Darluc a pris la peine de visiter en détail. Son ouvrage ne traite pas seulement de botanique, son domaine de prédilection, mais aussi de minéralogie, en particulier des eaux minérales et des mines, et enfin de zoologie, notamment des épizooties du bétail ovin. C’est l’oeuvre d’un homme des Lumières, à la fois savant et cultivé, mais qui dans son relevé de toutes les richesses naturalistes de la Provence, reste toujours médecin praticien, intéressé d’abord par l’homme, ses moeurs, son hygiène, sa santé.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire